Rêves d'Orient
Borges aux confins
des Mille et une Nuits
éd.
An-Nahar, Beyrouth 1996.
presse sur ce livre (en arabe)
Guide pour se perdre, avec délice, dans les dédales arabes de la Très Grande Bibliothèque borgésienne. L’aleph et l’oméga.
Dans le préambule à sa délicieuse relation de voyage, Les Rois d’Arabie, le célèbre écrivain libanais Amine Rihani raconte comment il s’est réconcilié, aux Etats-Unis, avec sa langue natale et son continent d’origine : «Le mérite en revient au philosophe Emerson… qui me fit connaître Carlyle qui me ramena d’outre-mer vers les pays arabes. C’est lui - chose surprenante mais vraie - qui me fit connaître le grand seigneur arabe, le Prophète Mohammad. A partir de ce moment j’ai commencé à ressentir de la sympathie pour les Arabes et de la curiosité pour leurs histoires».
Issa Makhlouf dans son livre Rêves levantins, Borges dans le labyrinthe des Mille et Une Nuitssemble, de même, jeter un regard nouveau sur une culture arabo-musulmane revalorisée en quelque sorte par l’intérêt soutenu que lui a toujours prêtée le grand poète et nouvelliste argentin. Mais faut-il préciser que l’Orient de Jorge Luis Borges est, à l’instar de son univers intellectuel et imaginaire, un orient de livres ? Livre-fantôme paru chez un éditeur réel (L’approche d’Almotasim) bibliothèque-paradis, bibliothèque-cauchemar (La Bibliothèque de Babel) ou volume sans commencement ni fin (Le livre de sable) : l’auteur de Fictions est hanté par des images de miroirs et de labyrinthes liées à des fantasmes d’apocalypse culturelle (bibliothèques incendiées, désertification). Rien de surprenant alors à le voir fasciné par le livre de Shéhérazade, anonyme et interminable où il retrouve quatre métaphores : la rivière aux eaux magnifiques, le tapis à la géométrie secrète, le rêve de jardins devenus cendres et la carte infinie du temps. Cet Argentin à la culture cosmopolite né en 1899 et qui se disait appartenir au siècle précédent, ce véritable homme-livre ne pouvait qu’admirer les Mille et Une Nuits où Tzvetan Todorov voit justement évoluer des hommes-récits.
Bien sûr l’attrait pour l’Orient (le Proche et l’Extrême) ne s’arrête pas là et Makhlouf ne manque pas de souligner la place qu’accorde Borges au philosophe arabe Averroès et à l’esthétique islamique en général.
Rêves levantins n’est pas seulement un essai sur l’inspiration arabe de Borges, il est surtout une traduction de quelques-uns de ses plus beaux poèmes dont, bien sûr, Les Métaphores des Mille et Une Nuits, Art poétique, Le Miroir, 17 Haïkus, «L’Alexandrie»… et deux récits, «Les Deux rois et les deux labyrinthes», et «La Quête d’Averroès».
Manière de rendre à l’arabe ce qui lui est dû.
Jabbour Douaihy (L’ORIENT-EXPRESS, novembre 1996)